Joshua Reynolds, Master Hare

Au musée du Louvre, département des Peintures

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Sir Joshua Reynolds
Plympton (Devon), 1723 - Londres, 1792

Portrait de Francis George Hare (1786-1842)
dit Master Hare
et dit aussi Infancy

H. : 77 cm. ; L. : 64 cm
1788

Paris, musée du Louvre, département de Peintures, inv. R.F. 1580
Collection Alphonse de Rothschild (depuis au moins 1875) ; legs verbal du baron Alphonse de Rothschild, remis au musée du Louvre par ses héritiers, 1905.

Ce portrait de jeune garçon aux cheveux longs, vêtu d’un habit de mousseline, représente Francis George Hare à l'âge de deux ans (1786-1842), fils aîné de l’écrivain Francis Hare Naylor (1753-1815) et de sa femme Georgiana Shipley (†1806), peintre amateur. Il a été commandé par la tante, puis mère adoptive du modèle, Lady Jones, née Anna Maria Shipley et épouse du peintre orientaliste William Jones.

Chef-d’œuvre de l’art britannique, cette œuvre deviendra rapidement célèbre, venant à incarner l’image même du nouveau regard sur l’enfance, développée au XVIII^e siècle suite aux réflexions surgies à l’âge des Lumières. Le statut de l’enfance, soumis alors à un vaste débat en Angleterre, est alors réévalué et l’enfant devient progressivement l’image de l’homme que la société n’aurait pas encore corrompu (Meslay, 2006, p. 102), une évocation de l’innocence qui était aussi associée à une vie pastorale et à un âge d’or préindustriel, auxquelles fait sans doute allusion le paysage peint en arrière-plan. Exécuté à large coups de brosses et aux tonalités brunâtres, ce paysage met en valeur la clarté du sujet au premier plan où l'enfant, vu de trois-quart et esquissant un sourire, désigne de son index droit quelque chose hors cadre. Cette pose au doigt levé n'est pas sans évoquer des œuvres telles que le Saint Jean-Baptiste peint par Reynolds quelques années auparavant, en 1776 (Londres, Wallace Collection), et pourrait donc se rattacher au thème de l’enfant porteur de vérité. 

Joshua Reynolds, Saint Jean-Bapstiste, Londres, Wallace Collection. 

Joshua Reynolds se distinguera tout particulièrement dans la représentation de portraits d’enfance qui se démarquent par leur spontanéité et leur douceur, en renouvelant un genre auquel Thomas Gainsborough s’était déjà attaché avant lui et en réalisant notamment des portraits tels que celui de Penelope Boothby (1788) ou l'Åge de l'innocence (1788, Londres, Tate Gallery). Au sommet de sa carrière, Reynolds nous laisse ici  un portrait du jeune Francis George Hare empreint de douceur et fraîcheur. Gravé en couleur dès 1790 par Robert Thew, ce portrait sera commercialisé sous le titre Infancy, en devenant rapidement l’illustration iconique du jeune enfant de l'aristocratie anglaise.

Joshua Reynolds, Portrait de Penelope Boothby, Londres, Wallace Collection. 

Ce tableau figurait en ouverture de la biographie d’Alphonse de Rothschild parue en 1905 dans la revue L'Art pour commémorer son mécénat et ses collections. Il se trouvait dans les collections du baron au moins depuis  1875 quand il est pour la première fois mentionné chez Alphonse (L’Art, 1875, I, p. 48). Ce tableau décore notamment, en tant que pièce maîtresse, le boudoir de son épouse Leonora de Rothschild, selon le témoignage de Paul Leroi (1905, I, p. 284) qui explique notamment: « le Baron laissait parfois toute une pièce à un maître ou deux, représentés par quelques œuvres seulement, mais capitales, et illuminant tout. Tel est le boudoir de la Baronne, avec un Sir Joshua Reynolds et un portrait de Gainsborough ». Les deux tableaux, accompagnés par une tapisserie des Gobelins, se trouvaient dans la pièce décrite comme le « Salon vert » dans les inventaires de la résidence rue Saint-Florentin (Archives de Londres, 1888, p. 46). 

C’est à Alphonse que revient la décision de s’engager par un legs verbal à donner cette œuvre au musée du Louvre qui la recevra par ses héritiers en 1905. Nous apprenons par les archives du Louvre que Léon Gauchez, qui avait été conseiller artistique du baron, annoncera cette nouvelle au directeur du musée de la part d'Édouard de Rothschild (Archives du musée du Louvre, compte-rendu du comité, Série 2, MI 82, / 1 BB 35, 13 juillet 1905, p. 210). C'est ainsi qu'Alphonse contribue à la première formation et à l'enrichissement de la collection d’art britannique du musée du Louvre qui venait tout récemment de se constituer, notamment entre 1880 et 1910.

Une copie de cette œuvre se trouve aujourd’hui au Metropolitan Museum de New York.

Joshua Reynolds, L'Åge de l'innocence, Londres, Tate Gallery.

Laura de Fuccia, cheffe de projet, INHA, 2019

En savoir plus

Bibiliographie

- Meslay, Olivier,  « Joshua Reynolds, Portrait de Francis George Hare », dans Yann Fauchois, Thierry Grillet, Tzvetan Todorov (dir.),  Lumières ! Un héritage pour demain, cat. de l'exp.(Paris, Bibliothèque nationale de France, 2006), Paris, édition de la Bibliothèque nationale de France, 2006, p. 102.

– Meslay, Olivier,« Écoles britanniques et américaines », dans Catalogue des peintures britanniques, espagnoles, germaniques, scandinaves et diverses  du musée du Louvre, coord. par E. Foucart-Walter, Paris, éditions du Louvre Gallimard, 2013, p. 29.

–  Laurence, Béatrice, La peinture anglaise, Nantes, Éditions du temps, 2006, p. 40-44.

– Wemsill, J. B.,  « A catalogue raisonné of the engraved work of Joshua Reynolds », L'Art, 1875, I, p. 48.

Ressources en ligne

Consulter la notice de ce tableau sur le site du musée du Louvre : http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/master-hare 

Consulter le dossier thématique dédié aux collections d'Alphonse de Rothschild à l'Hôtel de Talleyrand.