La musique par Alfred Boucher

Au musée des Beaux-Arts de Troyes

Alfred Boucher, La musique, Troyes, musée des Beaux-Arts, Photographie : Carole Bell

Alfred Boucher
Bouy-sur-Orvin (Aube), 1850 - Aix-les-Bains, 1934

La musique

1880-1890
Marbre blanc
H. : 60 cm ; L. : 24 cm ; P. : 25 cm
Signé sur le socle : A. Boucher
Musée des Beaux-Arts de Troyes, inv. 891.9
Don Alphonse de Rothschild

Élan et légèreté caractérisent cette statuette de marbre. La jeune musicienne se tient debout, en un élégant « contrapposto », dans une longue robe au corsage lacé sur la poitrine, soulignant ses formes juvéniles. La tête est gracieusement penchée, le menton maintenant le corps du violon, les doigts pinçant délicatement les cordes. Dans l’envolée du bras, la main droite manie l’archet, ici disparu mais qui demeure présent sur les tirages en bronze existants. Les postures de la tête, des bras, des hanches, des jambes, se conjuguent en un mouvement tournant de la figure qui esquisse une spirale. À la spontanéité du geste s’ajoute la sensualité discrètement rendue par le modelé du corps moulé dans le long vêtement fluide. La jeune violoniste, recueillie dans sa musique, est figée dans un instant d’éternité.

Cette sculpture, de dimensions modestes, relève de ces statuettes-bibelots destinées au décor des intérieurs bourgeois, genre qui connaît un grand succès tout au long du 19e siècle. La mise au point de nouvelles techniques de reproduction (moules à pièces, fonte au sable, procédés de réduction mécanique) permettait la production en série de ces petites pièces.
Alfred Boucher, par la variété de sa production : portraits, sculptures mythologiques, allégoriques, historiques, religieuses et commémoratives, réalisa des œuvres couvrant une large gamme de dimensions, depuis la figure monumentale destinée à une place de ville jusqu’au biscuit de porcelaine de Sèvres dont la place est sur la table du salon ou sur la cheminée.
La diffusion de ses œuvres, dans diverses tailles et diverses variantes, s’est faite principalement en bronze. Dans le marbre, le sculpteur pratiquait peu la taille directe et faisait souvent appel à des praticiens comme le témoignent les multiples Volubilis. S’il a donné la priorité aux figures féminines, il affectionnait aussi les petits enfants nus jouant, luttant ou s’embrassant, dans la tradition des « putti » du 18e siècle (peut-être un clin d’œil à son célèbre homonyme, François Boucher ?).
La Musique illustre plusieurs facettes des talents d’Alfred Boucher dont les œuvres mêlent réalisme et académisme, sensualité et retenue, statisme et mouvement.
Son œuvre la plus connue témoigne de sa maîtrise à une échelle monumentale, en figurant figés dans un instantané audacieux, trois coureurs nus tendant les bras vers la victoire (groupe Au But, médaillé au Salon de 1886, médaille d’or à l’Exposition universelle de 1889, acquis par l’État et réalisé en bronze pour le Jardin du Luxembourg - d’où il disparut sous l’Occupation en 1940).
Alfred Boucher, sculpteur d’origine modeste, originaire de l'Aube, découvert par son aîné Marius Ramus, fut à son tour découvreur des talents de la jeune Camille Claudel qu’il recommanda à Paul Dubois, directeur de l’École nationale des beaux-arts de Paris.

Homme au grand cœur, rêveur humaniste, idéaliste, il créa en 1902, à Paris dans le quartier de Vaugirard, un foyer pour jeunes artistes : « La Ruche des Arts ». Plutôt qu’un maître qui formait ses élèves, il permit à de nouveaux talents d’éclore.
À La Ruche ont séjourné Chagall, Soutine, Modigliani, Fernand Léger et beaucoup d’autres.

Claudie Pornin, Conservateur du patrimoine, Musées de Troyes

En savoir plus 

Bibliographie

- Piette, Jacques, Alfred Boucher, catalogue raisonné, Paris, Mare & Martin, 2014.

- Piette, Jacques, Alfred Boucher « sculpteur humaniste », catalogue de l’exposition musée Paul Dubois - Alfred Boucher, Nogent-sur-Seine, 2000.