La Douleur d’Orphée, par Léon Charles Canniccioni

Au Palais-Fesch-Musée des Beaux-Arts d'Ajaccio

Léon Charles Canniccioni

(Ajaccio, 1879-Courbevoie, 1957)

La Douleur d’Orphée

1909
Huile sur toile
H. : 247 cm x L. : 350 cm

Ajaccio, Palais Fesch-Musée des Beaux-Arts, inv. : MFA 909.1.1
Salon des Artistes Français, 1909 ; don du baron Edmond de Rothschild en 1909.

Léon Charles Canniccioni

Léon Charles Canniccioni est né en 1879 à Ajaccio. L’année suivante, ses parents, originaires de Moltifao et d’Ajaccio, s’installent à Paris et c’est dans la capitale qu’il passe son enfance et fait de brillantes études secondaires. À dix-neuf ans, il s’engage pour une durée de quatre années dans le corps des sapeurs pompiers de Paris. Dans le même temps, il suit les cours de l’École des Arts Décoratifs, puis est reçu à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts. Il est l’élève de Jean-Léon Gérôme (1824-1904), puis de Gabriel Ferrier (1847-1914) et au cours de sa formation il obtiendra diverses distinctions. En 1909, à trente ans, il fait son premier envoi au Salon des Artistes Français et obtient une médaille de troisième classe pour La Douleur d’Orphée. Sa composition Édith retrouve le corps d’Harold après la bataille d’Hastings, présentée au même salon en 1910, est achetée par le musée de Leipzig (œuvre détruite). En 1911, il présente au Salon le très grand triptyque Retour à la terre acheté par l’État en 1913 et déposé au Musée Fesch. La même année, il obtient une bourse de voyage qui lui permet de découvrir l’Italie. Grâce à divers autres prix, il se rendra aux Pays-Bas et en Espagne. Il est mobilisé en 1915 et combat sur le front de l’Est à Flirey et à Verdun. Dès 1919, il adresse au Salon Le soir, paysage corse et Au poste d’écoute devant Flirey (localisations actuelles inconnues). De nombreuses médailles et récompenses jalonnent sa carrière au sein de la Société des Artistes Français, dont une médaille d’or en 1924 pour Femmes corses à la fontaine (localisation actuelle inconnue) et une médaille d’or à l’Exposition Internationale de Paris, en 1937. Membre de la société des Artistes Français, il en est pendant de nombreuses années membre du jury de peinture. Entre 1909 et 1949 il a participé trente-huit fois aux expositions de cette société et adressé plus de cinquante œuvres, très souvent de grand format. L’État s’est porté acquéreur, entre 1913 et 1952, de vingt-trois de ses œuvres dont une grande partie se trouvait dans des musées ou lieux publics en France et à l’étranger : États-Unis, Russie, Allemagne… En 1939 il est nommé conservateur du musée Roybet à Courbevoie. Canniccioni a peint son île d’une manière originale, s’attachant à en montrer les habitants avec leurs coutumes et traditions. Son regard est bien différent de celui des autres artistes de son époque.

Pierre Claude Giansily, conservateur des antiquités et objets d’art de la Corse-du-Sud.

La Douleur d’Orphée 

La scène se situe après la sortie des Enfers. Orphée vient de perdre Eurydice et Charon lui a refusé un nouvel accès aux sphères infernales. Le sujet, tiré du Livre X des Métamorphoses d’Ovide, se déroule sur les hauteurs du Rhodope et de l’Hénus où Orphée chante sa douleur d’avoir perdu, pense-t-il à jamais, son aimée. Orphée et Eurydice a été présenté et récompensé au Salon des Artistes Français de 1909 par une médaille de troisième classe. Cette gratification a sans doute éveillé l’intérêt du baron Edmond de Rothschild, qui acquiert le tableau afin de l’offrir au musée Fesch dès le 13 août 1909. L’œuvre se situe à l’apogée du travail académique de Canniccioni. L’année précédente, il fut couronné du prix Jauvin d’Attainville pour sa présentation intitulée Autour d’un temple circulaire, sous les arbres des Champs-Élysées, les ombres heureuses manifestent leur bonheur par des chants et de la musique (Paris, École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, inv. Jauv 64)dans le cadre de sa formation à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts. Son premier envoi en salon officiel poursuit donc cette spirale de réussite dans le traitement académique des sujets, pourtant l’année 1909 est une date charnière dans l’œuvre de Canniccioni. Ainsi, il s’agit de l’une des dernières œuvres à la thématique antiquisante de sa main, puisque dès 1911, il se lance dans l’étude autour de l’ethnographie contemporaine, plus particulièrement inspirée par la Corse.

L’avenir de Canniccioni semblait prometteur sur la route des techniques académiques et de la retranscription du pathos. Néanmoins, il n’y aura pas de transition, mais plutôt une rupture brutale dans sa production. En effet, il changera non seulement de thématique en optant pour l’étude de la ruralité avec son Retour à la terre, mais aussi de style. Il opposera au fini et au glacé de La douleur d’Orphée, un non finito propre à toutes ses œuvres relatives à la Corse. Pourtant, une lecture attentive de la composition de cette peinture permet de déceler le germe d’un des traits caractéristiques de l’art de Canniccioni, à savoir la fusion de l’homme dans son environnement naturel.

Philippe Perfettini, chargé du département des peintures corses au Palais Fesch-musée des Beaux-Arts

En savoir plus

Bibliographie

– Giansily, Pierre-Claude, Dictionnaire des peintres corses et de la Corse (1800-1950), Ajaccio, 1993, p. 14

– Giansily, Pierre-Claude, Léon-Charles Canniccioni, peintre des types et coutumes de la Corse, catalogue d’exp. (le Lazaret, Ajaccio), Ajaccio, 2006, p. 79.

– Pauline Prevost-Marcilhacy, 2016, I, p. 101, fig. 7.