Jeux d’enfants, par Auguste Rodin

Au musée de Picardie d'Amiens (c) Marc Jeanneteau / musée de Picardie, Amiens

Jeux d’enfants, par Auguste Rodin

Auguste Rodin
(Paris, 1840  - Meudon, 1917)

Jeux d’enfants dit aussi Enfants s’embrassant

Vers 1885-1886
Marbre
H. 40,5 ; L. 21,5 ; P. 27 cm
Praticien : Henri Tréhard ?
Amiens, musée de Picardie, inv. M.P.Sc.129
Don Alphonse de Rothschild, 1889

 

Héritier d’une longue et féconde tradition de représentations enfantines joyeuses et tendres, ce petit groupe s’inscrit dans le prolongement des œuvres décoratives réalisées par Auguste Rodin au début de sa carrière. Ses travaux dans l’atelier de Carrier-Belleuse et pour la Manufacture de Sèvres expliquent l’aisance avec laquelle le sculpteur adopte ce vocabulaire traditionnel, réalisant ici un « délicieux petit groupe en marbre […] qui rappelle les compositions les plus délicates de Donatello et de Duquesnoy » (Gustave Dargenty, dans Courrier de l’art, 27 mai 1887, coupure de presse, archives du musée Rodin). Celui-ci se distingue par ses dimensions importantes, ainsi que par la grande finesse de son exécution et l’animation de sa composition, savamment déséquilibrée. Occupé au projet dévorant de la Porte de l’Enfer, Rodin réalisa encore tardivement des œuvres de ce type, légères et rémunératrices. 

Le groupe fut commandé par le baron Alphonse de Rothschild en 1886 et exposé l’année suivante à la galerie Georges Petit. La commande de ces Jeux d’enfants, de même que sa traduction en marbre, révèlent le goût durable des collectionneurs pour les petits groupes décoratifs. Le commanditaire suivait alors les conseils de Léon Gauchez, marchand et critique d’art, important soutien de Rodin dans les années 1880. Propriétaire en outre de la revue L’Art, qui joua un rôle significatif dans la promotion de Rodin à compter de 1877, Alphonse de Rothschild faisait alors partie d’un cercle très favorable au sculpteur. En faisant don de cette œuvre au musée de Picardie en 1889, ce mécène éclairé soutenait, comme à son habitude, l’œuvre d’un artiste en train d’éclore. Il reconnaissait en outre la place du musée d’Amiens dans le paysage culturel français. Construit entre 1855 et 1867, le musée de Picardie était toujours à la fin des années 1880 l’un des tout premiers musées de France ; il était déjà riche d’une belle collection de sculptures du XIXe siècle que venait opportunément compléter ce joli petit groupe décoratif, considéré aujourd’hui encore comme particulièrement représentatif des travaux menés par Rodin dans les années 1880.

Laure Dalon, conservateur du patrimoine, directrice des musées d’Amiens

En savoir plus

– Blanchetière, François et Magnien, Aline (dir.), Rodin, la chair, le marbre, cat. de l'exposition (Paris, musée Rodin, 8 juin 2012 - 3 mars 2013), Paris, Musée Rodin, 2012. 

Blanchetière, François et  Saadé, William (dir.), Rodin, les arts décoratifs, cat. de l’exposition (Évian, Palais Lumière, 13 juin - 20 septembre 2009 ; Paris, Musée Rodin, avril - août 2010, sous le titre Corps et décors : Rodin et les arts décoratifs), Paris, éd. Alternatives, 2009.