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Jeune Fille aux écoutes, ou La Jeunesse, par Auguste Rodin
Au musée de Grenoble
Auguste Rodin
Paris, 1840 - Meudon, 1917
Jeune Fille aux écoutes, ou La Jeunesse
Buste de marbre
H. : 63 cm ; L. : 25 cm ; Pr. : 25 cm
1882
Signé sur le côté droit : Rodin
Grenoble, musée des Beaux-Arts, Inv. MG 2446
Don baronne Nathaniel de Rothschild, 1887
Rodin a été durablement marqué par son passage dans l’atelier d’Ernest-Albert Carrier-Belleuse (1824-1887) où il travaille à plusieurs reprises entre 1864 et 1881 comme praticien et modeleur : il imite alors la manière du maître, transcrivant et agrandissant ses indications et maquettes. Connu et apprécié pour sa production abondante caractérisée par le goût du Second Empire et la redécouverte des modèles du XVIIIe siècle, Carrier-Belleuse initie Rodin à la réalisation d’une sculpture aux accents vaguement allégoriques et à la visée clairement décorative. Rodin réalise dans cette veine une multitude de bustes féminins plaisants, légèrement individualisés, dont les accessoires et ornements varient sur une même figure afin d’en exploiter au mieux leur potentiel commercial. Il se constitue ainsi un réseau de marchands et de galeries lui permettant de commercialiser ses œuvres dès 1871 en France et en Belgique. Si on assimile souvent cette production à la période belge du sculpteur, celle-ci se poursuivit pourtant après son retour à Paris à la fin des années 1870 et jusqu’au début des années 1880. Plus tard, Rodin renie cette production qu’il juge sans intérêt et aucun exemplaire ou tirage ne fait partie de la donation à l’État en 1916 qui constitue aujourd’hui le fonds du musée Rodin. Par ailleurs, rarement datés, désignés sous un titre générique – Les Roses, Le Printemps, Jeune fille…–, ces objets restent difficiles à identifier précisément dans la correspondance, les catalogues d’exposition et de vente.
Le marbre de Grenoble s’inscrit dans cet ensemble. Une jeune fille au buste étroitement découpé et au drapé retombant sur un socle orné de roses, se penche en avant vers sa droite dans une attitude d’attention extrême. Sa coiffure, garnie d’un nœud, est savamment ordonnée en mèches éparses et en lourdes tresses rassemblées sur l’avant du crâne à la manière d’un diadème, et constitue le morceau de bravoure. Ses yeux aux pupilles dessinées animent un visage aux traits fins et indéterminés. L’œuvre est datée de 1882 (comme dans le catalogue des collections du musée de Grenoble) en raison de l’exposition d’un buste intitulé Jeune fille aux écoutes à la Société des amis des arts de Pau en 1882, ou plus généralement d’après son retour de Belgique à cause du rapprochement stylistique avec des œuvres telles que Manon Lescaut ou L’Alsacienne. On peut néanmoins envisager une date de conception un peu antérieure : l’œuvre de Grenoble peut certainement être rapprochée du « buste avec fleurs sur la plinthe » évoqué dans la correspondance du praticien et tailleur de marbre Bernard à Rodin au printemps 1879 (LAS de Bernard à Rodin du 12 mai 1879, Archives du musée Rodin) ; quant à la terre cuite exposée en 1875 à Londres dans la section belge sous le titre La Jeunesse (Beausire, 1997), elle peut représenter soit un exemplaire du même modèle, soit une fausse piste, variante indiscernable de cette production quasi sérielle de bustes féminins.
La famille de Rothschild – secondée par le critique et marchand d’art Léon Gauchez (1825-1907) plus connu sous le pseudonyme de Paul Leroi – a fait partie des premiers collectionneurs de Rodin, en montrant une prédilection pour les marbres issus de la production dite « de jeunesse » de l’artiste, dont le buste de Grenoble est un exemple caractéristique. La baronne Nathaniel de Rothschild en a fait l’acquisition en 1885 en même temps qu’un autre Buste de jeune femme du sculpteur ; elle offre ce dernier au musée de Rennes en 1887, année même où elle enrichit les collections du musée de Grenoble par le don de la Jeune fille aux écoutes.
Hélène Zanin, Doctorante en histoire de l'art contemporain, Université Paris Ouest -Nanterre La Défense / École du Louvre
En savoir plus
– Barbier, Nicole, Les marbres de Rodin, Paris, Musée Rodin, 1987.
– Beausire Alain, Quand Rodin exposait, Paris, Musée Rodin, 1988.
– Blanchetière, François et Magnien, Aline (dir.), Rodin, la chair, le marbre, cat. de l'exposition (Paris, musée Rodin, 8 juin 2012 - 3 mars 2013), Paris, Musée Rodin, 2012.
– Chevillot Catherine (dir.), Peintures et sculptures du XIXe siècle : la collection du Musée de Grenoble, Paris, RMN-Grand Palais, 1995.
– Grandjean, Gille et Hargrove, June (dir.), Albert-Ernest Carrier-Belleuse. Le maître de Rodin, cat. de l'exposition (Compiègne, Palais de Compiègne, 22 mai - 27 octobre 2014), Paris, RMN-Grand Palais, 2014.
– Le Normand-Romain, Antoinette (dir.), « Vers L’Âge d’airain »: Rodin en Belgique, cat. de l'exposition (Paris, Musée Rodin, 18 mars - 15 juin 1997], Paris, Musée Rodin 1997.