Diane au repos, par Angèle Delasalle

Au musée d'art et d'archéologie du Pays de Laon

Amélie Valentino, Une Parisienne

Angèle Delasalle 
(Paris, 1867 - ?, après 1938)

Diane au repos

Huile sur toile
H. : 127 cm ; L. : 160 cm
Don Alphonse de Rothschild, 1897
Laon, musée d'art et d'archéologie du Pays de Laon, inv. 990.1762
Salon de 1897, n° 484

Angèle Delasalle réalise ce tableau au début de sa carrière d'artiste, en 1897, alors qu'elle est encore peu connue. Son œuvre Retour de la chasse, présentée au Salon l'année suivante et gratifiée d'une médaille de seconde classe, marque un véritable tournant dans sa carrière. À partir de cette date, elle ne s'intéressa plus au passé mais à la société qui l'entoure, à la vie quotidienne non idéalisée. Portraitiste, paysagiste, décoratrice, elle réalise aussi plusieurs études de fauves et des estampes. Elle est parvenue à se faire une place de choix dans un monde encore très masculin.

Les critiques de l'époque apprécient son art et insistent sur le côté très "viril" de ses représentations. D'ailleurs, le Magazine of Art raconte un évènement cocasse à ce sujet : pensant qu'elle était un homme en raison de son style artistique et de sa signature « A. Delasalle », les membres de l'association internationale des peintres lui ont adressé une invitation à les rejoindre. C'est ainsi qu'Angèle est devenue, par méprise, la première femme membre de cette association. Pour cette artiste, finalement l'art n'a pas de sexe. En résonnance avec l’affaire Marie Curie lors de l’année 1911, Angèle Delasalle s’exprime ainsi sur le sujet : « Je devrais ne pas répondre ; il est des questions trop importantes : est-ce que l'œuvre d'Art ou l'œuvre littéraire a un sexe ? Est-ce que le radium est féminin ou masculin ? Quelle sottise !" (Gury Christian, Les Académiciennes, Kimé, 1996, p.104).

Le nu féminin occupe une place particulière dans sa production. Elle travaille sur ce sujet durant toute sa carrière en produisant des sanguines et des peintures. D'ailleurs, le traitement de ses nus évolua comme l'explique Raymond Escholier : « tout d'abord nacrées de reflets, puis, bientôt, maçonnées en pleine chair. Ce qui caractérise ces nus, c'est qu'ils sont bien modernes. Sans que l'artiste y ait songé, ils sont autant des déshabillés que des nus. C'est que Mlle Delasalle n'obéit à aucun souci d'idéalisation académique et qu'elle peint simplement la femme qu'elle a sous les yeux.» 

Diane au repos est une œuvre de jeunesse dans laquelle le corps de la déesse gréco-romaine incarne un idéal de beauté finalement propre à la divinité, alors que les deux femmes au second plan présentent des poses naturelles et moins ostentatoires. Diane est ici reconnaissable grâce à son carquois et son arc qu’elle tient du bout des doigts ; à ses pieds gît le fruit de sa chasse. Cette scène pourrait être rapprochée de la tragique histoire d'Actéon relatée notamment par Ovide dans ses Métamorphoses. Diane et ses suivantes aimaient se délasser après la chasse dans une grotte boisée où bruissait une source dans laquelle elles se baignaient à l'abri des regards indiscrets. Un jour, par hasard, le jeune Actéon pénétra dans ce bois sacré. À la vue de cet homme, la panique gagna les femmes et Diane courroucée métamorphosa Actéon en cerf. Ce dernier fut bientôt pris en chasse par ses propres chiens qui, ne l'ayant pas reconnu, le mirent à mort. Bien que la réaction des suivantes de Diane semble beaucoup plus mesuré dans ce tableau, le regard d'une d'entre elles indique clairement au spectateur qu'il n'est pas le bienvenu. Quant à Diane, elle apparaît ici comme une femme sûre d'elle, à la beauté fatale, dont la pose et la rousseur exaltent la sensualité.

Morgane Reck, assistante de conservation, musée d'art et d'archéologie du Pays de Laon 

En savoir plus 

Bibliographie

– Dufernex B., « Madame Angèle Delasalle », The Magazine of art, 1902, p. 349-354

– Escholier Raymond, « Angèle Delasalle », Gazette des Beaux-arts : courrier européen de l’art et de la curiosité, juillet 1912, p. 319-332.