Un cadre de plaquettes, par Victor Peter

Au musée Boucher de Perthes d'Abbeville

Un cadre de six plaquettes, par Victor Peter

Victor Peter
(Paris, 1840 - Paris, 1918)

Cadre avec six plaquettes : Le Lièvre et la Tortue, Le Corbeau et le Renard, Chienne défendant ses petits contre une vipère, Le Rat et l'Huître, Le couteau de Damoclès, Veau

Cadre en bois : H. 64,7 x L. 80 cm

Fond de velours rouge : H. 52,5 x L. 67,2 cm

Plaquettes unifaces en bronze, signées "V. Peter"

 

 

Don Alphonse de Rothschild, 1904

Abbeville, musée Boucher de Perthes, s. n°

Salon des Artistes Français, 1904

Ces plaquettes unifaces en bronze représentent trois fables de La Fontaine (Le corbeau et le renard, Le lièvre et la tortue, Le rat et l'huître) et trois scènes animalières (Chienne défendant ses petits, Le couteau de Damoclès, Veau normand âgé de 4 mois).

Élève de François Théodore Devaulx, Victor Peter s'éloigne des sujets historiques et mythologiques de son maître pour s'orienter vers les scènes de genre et plus particulièrement vers des représentations animalières. Apprenti chez le graveur Luigi Calamatta et également formé au contact d'Alexandre Falguière et d'Antonin Mercié, il trouve avec le bas-relief, qui devient son support de prédilection, un bon compromis entre la gravure et la sculpture.

Ces reliefs charment par la représentation naturaliste des animaux et par les détails anecdotiques (branche morte sur laquelle repose le corbeau), tout en privilégiant néanmoins une image simple et fidèle au texte (pour ce qui concerne les fables). La texture des pelages (plumage lisse du corbeau et queue touffue du renard) et les expressions conférées aux animaux (colère de la chienne défendant ses petits) donnent à voir des représentations vivantes et animées. Par ailleurs, l'anatomie, correctement rendue, s'explique par une observation précise de la nature par l'artiste. Peter a eu le désir de représenter les animaux à tout âge comme nous pouvons nous en rendre compte avec la plaquette du veau de quatre mois. Quant à la profondeur, celle-ci est rendue de manière astucieuse par une dégradation des reliefs (se terminant par un paysage en méplat), et également par les éléments sortant du cadre, comme le cou de la volaille tombant sur le bord (où est inscrit "Le couteau de Damoclès").

Des inscriptions accompagnent en effet les représentations sous forme de citation de fable, ou de titre venant expliciter ce qui est représenté. La signature de l'artiste apparaît, quant à elle, sur chacune des plaquettes ("V. Peter").

Ce cadre contenant les six plaquettes a été exposé au Salon de la Société des Artistes Français de 1904. Il est présenté sous le n° 3466 dans le catalogue. Acheté par le baron Alphonse de Rothschild, il a ensuite été donné au musée Boucher de Perthes. D'autres exemplaires de ces mêmes plaquettes existent. Le cabinet des monnaies et des médailles de la BnF en conserve quelques-uns (inv. FL.Peter.012, FL.Peter.034, FL.Peter.052, FL.Peter.049, FL.Peter.015, FL.Peter.120), tout comme le musée d'Orsay (inv. MEDOR 2081, MEDOR 1081, MEDOR 1063, MEDOR 1068), ainsi que d'autres institutions françaises ou étrangères. Le musée Alphonse-Georges Poulain de Vernon possède, quant à lui, quelques plâtres.

Contexte de la redécouverte des œuvres dans les collections du musée :

Ces six plaquettes sont longtemps restées oubliées dans les réserves du musée Boucher de Perthes, avant de réapparaître le 15 janvier 2019, de manière fortuite.

Achetées par le baron Alphonse de Rothschild au Salon de la Société des Artistes Français en 1904, ces six plaquettes en bronze, réalisées par l'artiste animalier Victor Peter, ont été ensuite données au musée d'Abbeville. Cependant, ces œuvres n'ont apparemment jamais fait l'objet d'une inscription à l'inventaire.

En 2015, est lancé le programme de recherche « Les Rothschild, mécènes des institutions françaises » alors sous la responsabilité de Chantal Georgel, conseillère scientifique à l'INHA, en collaboration avec le musée du Louvre et la Bibliothèque nationale de France. Laura de Fuccia, cheffe de projet, contacte Agathe Jagerschmidt, alors conservatrice du musée Boucher de Perthes, afin d'obtenir des renseignements sur les dons Rothschild présents dans les collections.

En s'appuyant sur  les inventaires rédigés par Pauline Prevost-Marcilhacy («Alphonse de Rothschild», dans Les Rothschild, une dynastie de mécènes en France, 3 vol., Paris, éditions du Louvre/Bibliothèque nationale de France/Somogy éditions d'art, 2016, I, p. 118-133) et les informations données par l'INHA, vingt-trois œuvres sont retrouvées, seules manquent les six plaquettes en bronze de Victor Peter qui avaient été signalées dans la thèse de Jacqueline Guillot, Victor Peter, 1840-1918. Catalogue raisonné et illustré de l’œuvre sculptée, rédigée sous la direction de Bruno Foucart (Université Paris IV Sorbonne) en 1996.

En 2018, Katia Schaal, chargée d'études et de la recherche à l'INHA, reprend le dossier dans le but d'approfondir ses recherches sur les dons de médailles et plaquettes faits par les Rothschild en vue de la préparation de sa participation au colloque De la sphère privée à la sphère publiqueActualité de du programme de recherche « Les collections Rothschild dans les institutions publiques françaises » (Paris, INHA, 4-6 décembre 2018).

Les recherches sur ces médailles reprennent alors de manière active au sein du musée Boucher de Perthes sans résultat probant jusqu'au 15 janvier 2019 quand finalement, par une heureuse sérendipité, le cadre contenant les œuvres, dissimulé entre deux tableaux, est découvert par le régisseur des collections, Christian Migeon.

Le Catalogue du Salon de la Société des Artistes Français de 1904 évoquait d'ailleurs clairement au n° 3466, « un cadre contenant six plaquettes ; bronze : 1- « Le Lièvre et la Tortue ». 2- « Le Renard et le Corbeau » 3- « Chienne défendant ses petits contre une vipère ». 4- « Le Rat et l'Huître ». 5- « Le couteau de Damoclès ». 6- « Veau » ». Ces plaquettes n'étaient donc pas rangées de manière individuelle dans les réserves mais à l'intérieur d'un cadre de médailles.

Justine Grémont, musée Boucher de Perthes d'Abbeville