Tête de brigand, par Camille Claudel

Au musée des Beaux-Arts de la Ville de Reims

Camille Claudel, Tête de brigand, musée des Beaux-Arts de la Ville de Reims

Camille Claudel
Tête de brigand ou Giganti

Bronze
Piédouche en bois
Signé « Camille.Claudel »
Entre 1885 et avant 1892
H. :  49 cm ; L. : 27 cm ; P. : 25,5 cm
Musée des Beaux-Arts de Reims, Inv. 901.27.1
Don d'Alphonse de Rothschild, 1901

Ce bronze, appelé aussi Giganti et signé « Camille.Claudel », a été donné en 1901 au musée des Beaux-Arts de Reims par Alphonse de Rothschild. Ce dernier offre la même Tête de brigand  en bronze (avec piédouche et signature différents) à d’autres collections publiques françaises, au musée des Beaux-Arts de Lille en 1892 et à celui de Cherbourg en 1902. Le mécénat se fait par l’intermédiaire de Léon Gauchez (1825-1907), critique d’art, marchand et négociateur pour le baron sous le nom de Paul Leroi, mais aussi aide et confident de Camille Claudel.

La sculpture apparaît en 1885, à Paris au Salon des artistes français (n° 3496 – Étude. Bronze). Dans son dictionnaire, Théodore Véron la décrit même avec précision : « Tête d’homme de peine aux grands traits et pourtant ne manque pas d’un sentiment élevé malgré sa large bouche, son nez épaté et ses cheveux épais tombant sur son front fuyant. Cette étude ne manque pas d’un certain caractère ». Alors qu’elle n’a que vingt-et-un ans et qu’elle figure pour la deuxième fois au Salon, Claudel est déjà remarquée.

A l’époque, elle travaille avec Auguste Rodin, en particulier à ce qui sera La Porte de l’Enfer. L’influence du maître est perceptible dans cette tête au naturalisme exacerbé. Une tension surgit du modelé énergique et du contraste entre la facture lisse du visage et celle nerveuse de la coiffure ébouriffée. L’expression est mêlée d’agressivité, de fierté et d’assurance noble. Brigand de grands chemins  et/ou travailleur libre, l’homme fort, au port altier, toise le spectateur, le provoque et lui somme de se mesurer à lui. Cet italien originaire de Naples existait, Giganti vivait rue du Château à Paris. Homme du peuple, audacieux et plein de fougue, ce modèle oublié aujourd’hui, semble avoir été commun à Rodin (figure de L’Avarice et la Luxure, Paris, musée Rodin) et à Jessie Lipscom (1861-1952), son amie anglaise rencontrée à l’Académie Colarossi  (Giganti, Royaume Uni, collection particulière). Dans sa version, Claudel nous dévoile ses propres talents de portraitiste qui mêlent la vision réaliste d’un type physique mais aussi la perception du visage intérieur de l’autre. Au-delà de l’ensemble de ces caractères, nous ressentons pleinement l’intensité d’un face à face entre l’artiste et son modèle qui fait de cette œuvre de jeunesse une œuvre particulièrement puissante.

La dernière édition du catalogue raisonné de 2001, rédigé par Bruno Gaudichon, Anne Rivière et Danielle Ganassia, confirme l’existence d’une petite étude en plâtre (famille de l’artiste), traditionnellement datée de 1885 et en lien avec un plâtre ou terre cuite (œuvre non localisée). Par ailleurs, d’autres exemplaires en bronze sont à mentionner, un dans une collection particulière et un autre en Allemagne à la Kunsthalle de Brême dont la tête est coupée au niveau du cou et signée Rodin. Plus récemment, en 2008, un bronze sur piédouche en marbre rouge est entré au musée Camille Claudel de Nogent-sur-Seine. Il n’est pas non plus à exclure que l’artiste ait pu exécuter une variante avec cheveux traité « tout à jour » comme en témoigne une des ses lettres connue et échangée avec le collectionneur et capitaine Tissier en 1902.

Marie-Hélène Montout-Richard, Attachée de conservation, Chargée des collections d'arts graphiques et du centre de ressources, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Reims